"Je vous remercie beaucoup pour votre avis argumenté.
Ce texte extrême semble en effet quasiment, voire complètement, illisible.
Il consiste en une expérimentation ne séparant pas le roman d'une expression poétique et des nourritures de l'inconscient.
Il prend appui sur des œuvres tardives de Samuel Beckett, mais prend particulièrement pour point de départ
Comment c'est, œuvre plus antérieure.
Le parti pris est le même que dans ce roman de 1961 : absence de ponctuation, rythme obsédant de paragraphes juxtaposés,
récit d'une expérience extrême mais fondamentale, puisqu'il s'agit de la venue au monde d'un personnage, puis de sa rencontre avec un autre, puis de trois jusqu'à des myriades…
Ici, la construction des phrases est polysémique. L'absence de liants entre les mots permet ce jeu plus aisément par des minimes déplacements de mots et de sens.
Bien sûr, le lecteur peut s'égarer et se lasser tout de suite.
Il peut aussi choisir un sens parmi plusieurs, mais surtout, il peut accepter d'entrer dans un labyrinthe.
Ce livre est construit comme un labyrinthe, mais contre toute apparence, il est méticuleusement construit, et il débouche (mais à quel prix !).
A l'échelle d'une phrase, je ne cesse de jouer avec les mots.
Le mot ambigu sur lequel le texte s'appuie pour se mettre en marche est le mot "pas"*.
A partir de là, j'ai bâti une fable en trois temps : assis, debout, couché.
Une histoire de la vie en marche que rien (?) ne peut arrêter.
Il aurait pu apparaître à un lecteur assidu - un fou me diriez-vous ! - qu'il s'agit des derniers instants de la vie d'un homme.
Le livre est une dilatation de ces instants. L'argument est simple :
- il est assis (mais qui est-il ?) et il se voit marcher,
- il se lève, et sous escorte, marche jusqu'à un mur pour rejoindre d'autres comme lui,
- déflagration, il tombe parmi d'autres, mais, même couché à terre, il continue sa marche intérieure, ce n'est pas encore la fin, il ne se peut que ce soit la fin…
Ayant été fortement impressionné par la visite de la
Sablière à Chateaubriant, je rendais un humble hommage à 27 hommes fusillés un 22 octobre 1941, et à bien d'autres encore…
Merci encore pour votre réponse, et j'espère avoir pu apaiser un peu le trouble que j'ai sciemment semé dans l'esprit des lecteurs aventureux de ce livre".
* "le « pas » de « Je ne peux pas » […] était à l’origine un vrai « pas », de ceux que l’on fait avec ses pieds. Joli, non ?",
Je ne bois goutte, je ne mange mie, Muriel Gilbert, chronique in
Le monde du 20/7/2021